Tic, tac. Tic, tac. Tic, tac...Ce bruit, dans l’obscurité absolue.
Tic, tac. Tic, tac. Tic, tac...Cette douleur ne s’estomperait pas, elle s’y était résolue.
Tic, tac. Tic... Tac.Elle restait perdue.
Et puis, ce brouillard s’éclaircit. Mais la brume persistait ; ce n’était pas fini. La lumière avait-elle, un jour, existé en les ténèbres ? Cette noirceur, toute cette noirceur, lui paraissait infinie ; sans issue. L’ouïe lui revint, et le tic-tac incessant de l’horloge bourdonnait dans ses oreilles. Ses paupières, lourdes, s’ouvrirent avec difficulté. Sa respiration, saccadée, redevint régulière. La douleur, quant à elle, demeurait inébranlable.
Tic, tac. Elle tenta de se concentrer. Les aiguilles indiquèrent dix-sept heures.
Mais quel jour ? Elle ne pouvait bouger son corps frêle, du moins, pas sur le moment. Tout était blanc à présent. Les ténèbres étaient parties, ne laissant que ce vide. Pendant une durée de temps qui lui parut très longue -et qui, en réalité,
l’était-, elle ne pouvait fixer que droit devant elle, écoutant silencieusement le son perturbant de la pendule. Une heure s’écoula ; une heure qu’elle s’était réveillée, sans savoir où, sans savoir pourquoi. C’est l’agitation dehors qui la mena sur la piste. Son corps se détendit, et elle put finalement bouger sa tête, ses bras. Ses jambes lui paraissaient cependant paralysées ; d’ailleurs, la douleur lui arracha un grognement de mécontentement.
Putains d’hôpitaux. Elle était reliée à une machine bien trop complexe pour elle à cette époque, et, encore une fois, sans savoir pourquoi. «
Votre femme est passée, elle vous a laissé ces fleurs. » Une voix, féminine, semblait apaiser l’anxiété du vieil homme, dans la chambre voisine.
C’était son tour, elle le savait. La porte grinça. Une énorme silhouette apparut. Elle s’approchait, lourdement, presque péniblement. Le parfum de la pièce, suave, s’estompait petit à petit. Une odeur, étrange, pas désagréable en soi, mais indescriptible, lui parvenu dans les narines. Elle l’inhala, d’abord avec peine, puis doucement. Une main, prudente mais qui se voulait maternelle, se posa sur son avant-bras. «
Darcy. » La concernée leva les yeux vers son interlocutrice. C’était une
grosse femme ; l’obésité la rongeait, et ce, partout. Une chevelure blonde, épaisse et crépue lui tombait au niveau des omoplates ; d’ailleurs, elle s’empressa de les attacher rapidement. Son teint, pâle, était rougit par une touche de maquillage qui aurait pu être soignée si elle en avait décidé ainsi. Deux billes vertes la fixaient d’un air à la fois tendre et incompréhensible, tandis que deux sourcils, eux aussi épais, se fronçait lentement, laissant néanmoins apparaître cet esprit maternel sur son visage. De fines lèvres roses s’étirèrent, dévoilant une rangée de dents de diverses formes. Lorsqu’elle ouvrit à nouveau la bouche, une odeur putride mélangée à du café frais lui arriva en "
pleine face". «
Tu es enfin réveillée. Comment te sens-tu ? » Comment se sentait-elle ? Elle ne savait plus quoi en penser, et honnêtement ? Elle s’en fichait éperdument, puisque ce qui la maintenait éveillée, c’était bien cette douleur dans les jambes. «
Je t’ai apporté de quoi soulager la douleur », continuait la blonde, voyant l’absence de réaction chez sa patiente. Cette dernière baissa les yeux, cherchant une indication sur le nom de la femme. Une fois trouvée, elle réussit à formuler -doucement mais clairement- une réponse. «
Merci, madame... Elle jeta à nouveau un coup d’œil au nom, de peur de l’écorcher.
Schrei...ber ? » «
Appelle-moi Agnes, je t’en prie. » Elle sortit
quelques boîtes de cachets, qu’elle posa sur une petite table, à côté du lit, qui n’avait mérité aucune attention. Agnes sortit un court instant, et revint avec un verre d’eau un peu trop rempli. «
Ce n’est pas très bon au goût, mais tu te sentiras mieux. » Ces deux billes vertes la fixaient encore. Elle sentit que la blonde attendait qu’elle se serve elle-même ; c’est ce qu’elle fit donc. Il y avait écrit "un par jour, pendant deux semaines" sur chacune des boîtes.
Putains d’hôpitaux et putains de médicaments. Une fois les cachets avalés, elle parvint à prononcer quelques phrases. «
Que m’est-il arrivé ? Où sont mes parents ? » La mine d’Agnes changea brusquement ; son expression était plus tendue, presque triste. Elle eut le droit à un regard interrogateur -et perdu- de sa patiente ; mais le malaise était présent, et elle ne pouvait le combattre davantage. «
Tu as eu un accident sur la route, commença-t-elle.
C’est ta mère qui t’a amenée ici. » «
Et mon père ? Où est mon père ? » Sa voix, presque innocente, fut cassante. «
Il... Il a succombé. Je suis désolée. »
Succombé. Succombé. Succombé. Ce mot se répétait, sans cesse, dans sa tête. Les images apparurent ; floues au début, puis de plus en plus nettes. C’était comme revivre cet enfer. Une voiture qui arrivait droit devant, les pneus qui crissaient, le père qui criait. Tous propulsés vers l’avant, vers la vitre, la transperçant. La voiture, lui roulant sur les jambes, sur son père. Sa mère, qui se précipitait vers elle... Tout revenait, progressivement. Elle était bien trop épuisée pour que des larmes se mettent à couler sur ses joues. Le silence était pesant, gênant. Darcy Lewis, alors âgée de seize ans, venait de vivre la tragédie de sa vie.
Ce fut, à proprement parler, le seul évènement qui marqua la vie de Darcy. Elle avait vécu avec ses deux parents jusqu’à ses seize ans, ainsi que cinq ans seule avec sa mère qui sombrait peu à peu dans la dépression. Après ce terrible accident, Darcy ne s’était pas laissée abattre ; au contraire, elle préféra sourire à la vie, en profiter, se concentrer sur ses projets futurs, et surtout, travailler dans ce qui lui plaisait. Le plus dur, selon elle, c’était de rentrer dans l’école de sciences politiques,
car oui, c’est ce qui l’intéressait. D’où elle tenait ça ? Certainement de son père. Et, heureusement pour elle, elle réussit à intégrer cette fameuse école. Enfin... Au final, ce n’était pas si compliqué, puisqu’ils manquaient d’étudiants,
mais ce n’est qu’un léger détail. Un stage fut nécessaire pour l’obtention de son diplôme, Darcy accepta donc l’offre du docteur Erik Selvig. Par ailleurs, elle rencontra également Jane Foster, qui accompagnait le docteur Selvig dans ses péripéties.
Péripéties... Il y en a eu, avec c’t taré. Avec eux, l’ennui de la vie banale de Darcy disparut rapidement. Les premiers jours furent sans impact. Et puis il y eut ce jour. Ce jour où ce "beau blond sauvage" débarqua, sous le nom de Thor. Où exactement ? Elle ne s’en souvenait plus. Mais ce "mec trop cool et trop stylé" ne savait pas comment ne pas attirer l’attention : que ce soit pas ses habits, que par son vocabulaire. Darcy comprit facilement -même s’il ne fallait pas être doté d’une perspicacité hors-pair pour le comprendre- qu’il ne venait pas de ce monde, ce monde qu’il appelait... Qu’il appelait comment, déjà ? Mi...Midgard, oui, tel était le nouveau nom de la Terre.
"L’homme musclé" découvrant la nourriture midgardiene, Darcy ne put s’empêcher d’immortaliser ce moment en prenant une photo
et bien évidemment, de la poster sur Facebook.
Légende ? Pourquoi en mettre une, quand elle est présente sur la photo ? fut, justement, la légende de son post. Plus qu’une star de l’espace, Thor était désormais une star d’internet. Son marteau aussi, notamment par son nom. Son nom... Quel était son nom, déjà ? Mjö... M... Non, celui-ci était bien trop compliqué. Myuh-Myuh faisait donc l’affaire.
Thor et Jane étant ensemble et le docteur Selvig ne l’intéressant que très peu -en réalité
pas du tout mais ça ne reste qu’un léger détail-, Darcy fit la connaissance de Ian Boothby, après avoir été diplômée de l’université. Elle eut une brève relation "amoureuse" avec ce qui lui servait d’assistant, qu’elle abandonna par lassitude. Mais, selon elle, ce n’était "pas plus mal d’être libre", et que, cette liberté, elle ne l'abandonnerait pour rien au monde.